Une trop bruyante solitude
de Bohumil Hrabal - Création 2015-2016
Voilà trente-cinq ans que M. Hanta nourrit la
presse d'une usine de recyclage ou s'engloutissent jour après jour des tonnes de livres interdits par la censure, et jusqu'aux chefs-d’œuvre de l'humanité. « Ce genre d'assassinat, ce massacre
d'innocents, il faut bien quelqu'un pour le faire. » Hanta travaille, boit de la bière, déambule dans les rues de Prague, lit, et ressasse la mission dont il s'est investi : sauver la culture en
arrachant à la mort des trésors si injustement condamnés. Il en sauve jusqu'à deux tonnes qu'il entasse au-dessus de son lit. Mais à ce jeu de cache-cache, son rendement baisse.
On suit les pensées de Hanta à travers un long monologue obsessionnel et émaillé d'images singulières. Hanta revient sans cesse sur son travail, son passé, sans le dire réellement, sur la solitude
qui le mine. C'est le destin d’un homme, un ouvrier, rattrapé par une modernité assassine.
D’abord diffusé clandestinement à Prague en 1976, Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal dénonce tous les progressismes
totalitaires et productivistes, avec humour et véhémence, avec un sens aigu du grotesque et de la dérision, avec un immense respect pour les livres, ennemis irréductibles de la pensée unique et de la
dictature. Ce sublime soliloque, révélant l'absurdité tragicomique du quotidien, à propos duquel Hrabal disait : « Je ne suis venu au monde que pour écrire Une trop bruyante solitude», est
un splendide apologue de la « normalisation », machine à broyer l'esprit, dont Hrabal fut lui-même la victime.